Les tribunes avaient beau n’être qu’aux deux tiers pleines, le sol du stade Pierre-de-Coubertin (Paris 16e) a tremblé à plusieurs reprises, ce mercredi 8 mai, lors des matchs de futsal (2) opposant des équipes aux noms évocateurs : « Serviteurs », « Amen », « Alléluia », « Rabbi »…

À chaque but, la foule s’est soulevée, chauffée par des chanteurs de louanges perchés dans un gradin. En coulisses, le pasteur Christian Krieger, président de la Fédération protestante de France (FPF), rejouait le match de la veille (durant lequel le Paris-Saint-Germain s’est incliné 1-0 devant Dortmund en demi-finale de Ligue des champions)… avec Joël Abati, ex-champion du monde de handball et ambassadeur adventiste de l’événement « Fête, sport et unité » alors organisé.

Lancé en lien avec plusieurs associations chrétiennes (1) à l’occasion de l’arrivée le jour même de la flamme olympique à Marseille, son point d’entrée sur le sol français, ce projet témoigne une nouvelle fois de la volonté de l’Église catholique de capitaliser sur de grands événements populaires pour évangéliser. Depuis des mois, cette dernière n’a cessé de multiplier les initiatives pour colorer la compétition sportive planétaire avec son message de foi : lancement de sa campagne « Holy Games, l’Évangile : c’est sport ! », inauguration de la chapelle Notre-Dame-des-sportifs à la Madeleine, formation d’aumôniers pour le village olympique, tables rondes axées autour du sport et de la fraternité, courses ou marches de paroissiens pour faire redécouvrir les églises parisiennes…

« 90 % de jeunes dans les stades »

« L’Église cherche à parler de Jésus, à évangéliser les jeunes, or ceux-ci ne viennent presque plus dans les églises. En revanche, si on regarde les statistiques, près de 90 % d’entre eux vont dans les stades ! Nous devons donc y être présents pour porter des valeurs de fraternité, de solidarité, de paix », assume Mgr Philippe Marsset, évêque auxiliaire de Paris, instigateur il y a plus d’un an de la démarche Holy Games.

Sens du collectif, dépassement de soi, entraide, maintien d’une bonne forme physique : autant de préoccupations saines, sur lesquelles l’Église se sent légitime à sensibiliser. Dans le sillage de la publication, fin 2021, du rapport de la Ciase (Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église), la création du projet Holy Games est « intervenue à un moment providentiel, souligne encore Mgr Philippe Marsset, pour permettre de parler du corps d’une autre manière que sous le prisme des interdits ou des abus, avec un regard plus positif ».

Parmi les centaines de participants ayant afflué en ce mercredi férié au stade Pierre-de-Coubertin, la plupart semblaient âgés de moins de 40 ans. De nombreux parents étaient aussi venus escorter leurs enfants, adolescents ou jeunes adultes. À l’instar de Bertrand et Sophie, 57 et 53 ans, paroissiens catholiques du 16e arrondissement, heureux que leur fils Alexandre, 18 ans, puisse faire l’expérience d’une compétition sportive dans « une ambiance chrétienne ». La perspective de pouvoir enfin remporter un maillot dédicacé du footballeur Olivier Giroud, tête d’affiche qui a témoigné de sa foi évangélique dans un message vidéo, semble avoir contribué à achalander des supporteurs croyants de tous horizons.

« Accompagner la ferveur des événements planétaires »

Car le sport semble bien mettre tout le monde d’accord, au-delà des divergences théologiques. Plusieurs scènes en ont témoigné en ce 8 mai, avec des prières en présence de plusieurs hauts responsables catholiques – Mgr Laurent Ulrich, archevêque de Paris… –, orthodoxe – Mgr Dimitrios de France –, protestants – Christian Krieger, mais aussi Erwan Cloarec, président du Conseil national des évangéliques de France (Cnef).

Au-delà des points de blocage qui peuvent encore être saillants au niveau institutionnel, « sur le terrain, on n’intellectualise plus : cela permet de transcender les différences religieuses, ethniques et sociologiques », appuie Janvier Hongla, responsable communication d’Holy Games, lui-même originaire de banlieue. « Les JO sont une opportunité extraordinaire pour réunir et faire dialoguer des peuples, cultures, et confessions du monde entier », abonde Pascal Gentil, champion de taekwondo, double médaillé de bronze olympique en 2000 et en 2004, et l’un des intervenants évangéliques.

En s’investissant aussi fortement sur les JO 2024, l’Église catholique entend renouer avec son histoire récente. « Le sport était encore une porte d’entrée extrêmement vivace au XXe siècle, par le biais des patronages, du scoutisme… », rappelle Mgr Ulrich. Dans les rangs des organisateurs, on cite enfin l’héritage laissé par des figures catholiques comme Pierre de Coubertin ou l’abbé Henri Didon, fers de lance du mouvement de renouveau des Jeux olympiques à la fin du XIXe siècle, ou « les discours de papes, comme Jean-Paul II, qui ont toujours parlé de sport ».

Alors que la parole de l’Eglise apparaît par ailleurs moins audible sur d’autres sujets de société, Janvier Hongla voit aussi, derrière cette nouvelle mobilisation, une volonté affichée de l’Église de capitaliser sur de grands événements rassembleurs et populaires : « Nous étions déjà dans une bonne séquence, après le succès des Journées mondiales de la jeunesse (JMJ) à l’été 2022 ou la visite du pape à Marseille à la rentrée dernière. Il faut être en mesure d’accompagner la ferveur de tels événements planétaires, et les JO représentent une nouvelle opportunité à côté de laquelle on ne peut pas passer ! »

(1) La CEF, la FPF, l’Assemblée des évêques orthodoxes de France, Holy Games, Go+ France, le Cnef 75, le Diocèse de Paris, la communauté du Chemin-Neuf et l’Alliance biblique française.

(2) Football en salle.

--------

De nombreuses initiatives avec « Holy Games »

En amont des JOP, la campagne « Holy Games : l’Évangile, c’est sport ! » propose encore de très nombreuses initiatives (1) : soirées débats sur le sport et la fraternité, tournoi sacerdotal de football, messe d’ouverture de la trêve olympique le 19 juillet à l’église de la Madeleine (Paris 8e)…

Pendant les Jeux, des routes d’été, à destination des 18-35 ans, seront notamment organisées (1). Des chapelles dédiées (comme à Notre-Dame de Fourvière, à Lyon, ou encore à la Madeleine) permettront d’accueillir les sportifs et les supporteurs.

Pour accompagner les athlètes, des aumôniers catholiques seront aussi présents au centre multiconfessionnel du village Olympique.