Dans le discours de Vladimir Poutine sur la place Rouge comme dans les allées du parc de la Victoire, un même message a dominé les célébrations du 9 mai : « L’histoire se répète.» «L’Occident voudrait oublier les leçons de la Seconde Guerre mondiale, mais nous nous souvenons que le sort de l’humanité s’est joué dans les batailles grandioses menées par l’Union soviétique tandis que la quasi-totalité de l’Europe travaillait pour la Wehrmacht», a déclaré le chef du Kremlin en ouverture de la parade militaire célébrant la « grande guerre patriotique ».

Plus de deux ans après le lancement de l’« opération militaire spéciale » du Kremlin pour la « dénazification » et la « démilitarisation » de l’Ukraine, les commémorations de la victoire dans la guerre contre l’Allemagne nazie servent plus que jamais de point de référence pour l’identité nationale, afin d’entretenir la fibre patriotique et de justifier l’offensive. « Tout est lié. Aujourd’hui, c’est la suite de l’histoire, le prolongement de notre longue lutte contre les fascistes», commente parmi d’autres invités sur la place Rouge Elena Kavalena, mère de famille trentenaire. « Comme en 1945, nous vaincrons !», assure-t-elle, dans la neige et le froid glacial de cette journée printanière.

« Il faut chasser la guerre de notre vie. Mais il faut avant tout défendre nos intérêts face à l’Otan », ajoute son grand-père, venu avec elle, et visiblement ému par le défilé. Un décalque des propos tenus à la tribune par Vladimir Poutine. « La Russie fera tout pour empêcher un conflit mondial. Mais nous ne permettrons à personne de nous menacer », a-t-il lancé. Avant de prévenir que les forces nucléaires stratégiques russes étaient « toujours en alerte ».

Un blindé français exposé en trophée

Dans la foule réunie sur la place Rouge, l’élite politico-culturelle invitée approuve. « Ce conflit est triste, mais il n’y avait pas d’autre solution pour résoudre le problème en Ukraine», confie Igor Butman, célèbre saxophoniste proche du pouvoir, heureux d’être présent à « cette fête intergénérationnelle » sur le pavé du Kremlin. « Un jour sacré ! s’enthousiasme Alexandre Zaldastanov, fondateur et dirigeant du plus ancien club de motards de Russie, devenu une célébrité pro-Kremlin. L’Occident est en déclin et se déchristianise. La Russie est là pour donner l’exemple au monde. Notre président montre le chemin !»

À une dizaine de kilomètres de là, au parc de la Victoire, la foule des jours de fête reprend ces messages bien orchestrés depuis plus de deux ans par le Kremlin et ses relais médiatiques. C’est ici que le ministère de la défense vient d’inaugurer sa nouvelle exposition : « Les trophées ». La queue est longue pour s’approcher des dizaines de tanks et autres « prises de guerre » capturées par les militaires russes. « Cela vient du Donbass. Et de la guerre contre l’Otan !», s’enorgueillit Mikhaïl, la trentaine, venu avec son garçon sur les épaules, prenant la pose devant un AMX-10RC, un véhicule blindé français. « Je ne pouvais pas être présent après la victoire contre Napoléon. Mais, aujourd’hui, je suis là avec mon fils ! L’Otan a peu à peu grignoté du terrain face à la Russie et n’a pas écouté les ultimatums de Moscou. Voilà le résultat !»

À côté de Mikhaïl, un couple de retraités ne mâche pas non plus ses mots. « Nous aimons la France. Mais pourquoi êtes-vous allés dans cette guerre ? Pour l’Ukraine ? Vous avez oublié que c’est un territoire historiquement russe ?», lance Irina. « C’est nous qui avons sauvé les alliés occidentaux face à Hitler. Vous avez oublié que la Russie n’a jamais perdu une guerre… », ajoute Piotr, son mari vêtu en treillis militaire, qui semble oublier la retraite d’Afghanistan en 1989, la déroute face au Japon en 1905, ou la guerre de Crimée en 1856. Qu’importe. Ils s’avancent entre deux stands sous la bannière de l’exposition : « L’histoire se répète. »

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L’Ukraine revendique une frappe de drone contre une raffinerie russe à 1 200 km de sa frontière

L’Ukraine a frappé une raffinerie russe avec un drone dans la république du Bachkortostan. Selon une source ukrainienne, le drone a parcouru 1 500 kilomètres pour frapper cette installation, une des plus grandes de Russie, à Salavat. Cette ville russe, peuplée de 150 000 habitants, est située à vol d’oiseau à près de 1 200 kilomètres de la frontière ukrainienne. Sur Telegram, le dirigeant du Bachkortostan, Radi Khabirov, a confirmé l’attaque de drone. « C’est une tentative de gâcher notre célébration », a-t-il écrit, en référence aux commémorations en Russie, le 9 mai, de la victoire contre l’Allemagne nazie. Le ministère local des situations d’urgence, sur Telegram, a affirmé que l’incident n’avait pas fait de victimes, ni suscité d’incendie, et qu’une trentaine de secouristes étaient intervenus sur place.

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PODCAST - Prisonniers de Poutine, j’ai parcouru la Russie pour les entendre