« On a fait une pause, et pas un stop », assène Élodie Galko, directrice de cabinet adjointe auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, lors de la présentation de la stratégie Écophyto 2030, lundi 6 mai. Suspendue au plus fort de la crise agricole, la stratégie de réduction des pesticides va être relancée après « changement de méthode ». L’objectif de réduire de 50 % l’utilisation des produits phytosanitaires dans l’agriculture d’ici à 2030, affiché depuis 2008 mais jamais atteint, est conservé. Mais le mode de calcul de cette utilisation, lui, va changer.

C’est la mesure phare de cette nouvelle stratégie Écophyto 2030 : l’indicateur qui servait à mesurer l’utilisation de produits phytosanitaires depuis 2008, le Nodu, pour « Nombre de doses unités », va être supprimé et remplacé par l’indicateur européen de risque harmonisé, le HRI-1.

La suppression du Nodu répond aux récriminations des producteurs de grandes cultures (céréales, graines à huile, betteraves, sucre) et du principal syndicat agricole, la FNSEA. Marc Fesneau, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire, le justifie au nom de la « cohérence européenne ». « On pense européen, on agit européen », a d’ailleurs repris Élodie Galko lors des annonces du gouvernement ce lundi.

HRI-1 : européen mais controversé

Le Nodu rapportait les quantités de substance actives vendues par les distributeurs de produits phytopharmaceutiques à leur « dose de référence », c’est-à-dire, pour chaque substance, la dose maximale que l’on peut appliquer sur une culture. Le HRI-1, lui, est un indice. Il est calculé en multipliant les volumes de substances actives vendues par des coefficients censés refléter la dangerosité des divers pesticides, classés en quatre catégories. Contrairement au Nodu, il ne tient pas compte des doses d’application de pesticide, et donc de l’intensité des traitements phytosanitaires appliqués.

Dans les schémas présentés de la nouvelle stratégie Écophyto, le calcul du HRI-1 fait apparaître une diminution de près de 40 % de l’usage des pesticides entre 2011 et 2024, alors que le Nodu a augmenté de 3 % sur la période 2011-2021. De quoi expliquer la colère des associations de défense de l’environnement, qui jugent le nouvel indicateur « trompeur ». Le 12 février 2024, six d’entre elles, dont France Nature Environnement, WWF France et Générations futures, avaient claqué la porte du Comité d’orientation et de suivi du plan Écophyto 2024, dénonçant un « changement de thermomètre » qui ne fait pas « baisser la fièvre ».

« Il a ses forces et ses faiblesses », concède Élodie Galko à propos de l’indicateur européen. « On travaille avec l’Inrae pour répondre aux critiques qui lui sont faites. » Une « mission d’expertise scientifique et technique » a en effet été confiée à l’Institut de recherche agronomique « pour proposer des voies d’amélioration sur la méthodologie de calcul de cet indicateur ».

Le Nodu continuera par ailleurs d’être calculé, mais plus aucun objectif chiffré n’y sera désormais accolé. « Nous ne souhaitons pas casser la série statistique du Nodu, rassure Pierre Breton, conseiller sobriété en intrants agricoles et qualité de l’eau auprès du ministère de l’agriculture et de la transition agricole. Mais l’indicateur de référence sera HRI-1. »

À la recherche d’alternatives aux phytosanitaires

Hormis ce changement d’indice, la nouvelle stratégie Écophyto 2030 prévoit « des moyens inédits », selon Pierre Breton, pour la réduction des pesticides : 250 millions d’euros de la planification écologique seront déployés au titre de la stratégie pour 2024, dont 146 millions d’euros au développement de techniques alternatives pour la protection des cultures, comme les produits de biocontrôle.

Cependant, l’enveloppe consacrée à l’accompagnement des agriculteurs reste fixée à 8 millions d’euros par an malgré les demandes des chambres d’agriculture, qui souhaitaient voir ce budget augmenté. Pour la première fois, le plan prévoit un budget orienté vers les collectivités territoriales : elles recevront 20 millions d’euros par an pour le traitement des eaux polluées par les pesticides.

Enfin, le mode de renseignement de l’usage des produits phytosanitaires par les agriculteurs va lui aussi évoluer, en conformité avec la réglementation européenne. Fortement critiqué par la FNSEA, le projet de registre centralisé au niveau national est abandonné. À la place, un système d’information dématérialisé va être développé d’ici à 2026.