Le général Mahamat Idriss Déby Itno a été déclaré jeudi 9 mai vainqueur de la présidentielle, trois ans après avoir pris le pouvoir à la tête d’une junte militaire, mais son premier ministre Succès Masra, battu, lui conteste cette victoire.

Idriss Déby, 40 ans, a recueilli 61,03 % des voix, selon les résultats officiels provisoires de la commission électorale qu’il avait nommée, contre 18,53 % à Succès Masra, 40 ans aussi. Le taux de participation s’est officiellement élevé à 75,89 %. Ces décomptes doivent encore être validés par le Conseil constitutionnel, lequel avait également été nommé par le chef de la junte.

Peu après l’annonce, des militaires ont tiré en l’air à l’arme légère à N’Djamena dans le quartier où siège le parti de Succès Masra, de joie mais aussi manifestement pour dissuader les gens de se rassembler. Quelques habitants couraient pour se terrer chez eux et les rues ont vite été désertées.

Victoire « volée », selon Succès Masra

Dans le centre de la capitale, c’était l’inverse près du Palais présidentiel, de nombreux partisans de Déby célébraient sa victoire en criant et chantant et klaxonnant dans leurs voitures, recouvertes du drapeau tchadien pour certaines. Des quidams tiraient aussi en l’air des rafales d’armes automatiques. Au moins deux adolescents ont été blessés par des balles qui retombaient, a témoigné un journaliste de l’AFP.

Succès Masra avait revendiqué la victoire avant la proclamation des résultats officiels dans un long discours sur Facebook où il accusait par avance le camp Déby d’avoir truqué les résultats pour annoncer la victoire du général.

Invoquant la compilation des comptages des bulletins par ses propres partisans, il a appelé les Tchadiens à « ne pas se laisser voler la victoire » et à la « prouver » en « se mobilisant pacifiquement, mais fermement ».

Ce scrutin devait marquer la fin d’une transition militaire de trois ans et nombre d’observateurs l’estimaient, il y a dix jours, joué d’avance en faveur du général Déby, proclamé chef le 20 avril 2021 pour remplacer son père Idriss Déby Itno qui venait d’être tué par des rebelles en se rendant au front, après avoir dirigé d’une main de fer, trente années durant, ce vaste pays sahélien parmi les plus pauvres du monde.

Le plus farouche pourfendeur de « la dynastie Déby », Succès Masra, s’était finalement rallié à la junte et le général l’avait nommé premier ministre quatre mois avant le scrutin.

Craintes de violences meurtrières

Le reste de l’opposition, muselée et violemment réprimée, dans le sang parfois, l’avait accusé d’être un « traître » et d’être candidat à la présidentielle pour « donner un vernis démocratique et pluraliste » à un scrutin joué d’avance pour Déby.

Mais l’économiste Masra a surpris tout le monde en rassemblant des foules considérables durant sa campagne, au point de s’enhardir et se dire capable de l’emporter, sinon de pousser Mahamat Idriss Déby jusqu’à un second tour prévu le 22 juin.

Si les partisans de Masra protestent dans la rue contre son élection, cela pourrait ouvrir la voie à des violences meurtrières, les manifestations de l’opposition étant systématiquement réprimées dans ce pays marqué, depuis son indépendance de la France en 1960, par les coups d’État, les régimes autoritaires et les assauts réguliers d’une multitude de rébellions.

Mahamat Déby avait été adoubé dès son institution par l’armée en 2021 par une communauté internationale – France en tête – prompte à condamner les putschistes ailleurs en Afrique. Paris entretient encore un millier de militaires au Tchad, considéré comme un pilier de la lutte contre les djihadistes au Sahel, après que les soldats français ont été expulsés du Mali, du Burkina Faso et du Niger.