► Qu’a déclaré Joe Biden ?

Dans une interview à la chaîne américaine CNN diffusée mercredi 8 mai, le président américain a menacé pour la première fois de mettre un terme à la livraison d’armement à l’armée israélienne dans l’hypothèse où elle déclencherait une offensive de grande ampleur sur la ville de Rafah, dans le sud de la bande de Gaza. « S’ils entrent à Rafah, je ne leur livrerai pas les armes qui ont toujours été utilisées (…) contre des villes », a déclaré Joe Biden, ajoutant que ses propos concernaient « les armes et les obus d’artillerie qui ont été utilisés » jusque-là.

Le chef d’État est également revenu sur la décision américaine de suspendre la livraison, la semaine dernière, de plusieurs milliers de bombes aériennes de forte puissance, pesant pour certaines plus de 900 kilogrammes, au motif qu’elles auraient causé la mort de civils dans la bande de Gaza. « Des civils ont été tués à Gaza à cause de ces bombes», a affirmé Joe Biden, ajoutant : « C’est mal. » S’il affirme qu’Israël n’a pour l’heure pas franchi de « ligne rouge » à ses yeux, le président américain a précisé que les autorités israéliennes « n’auront pas (le) soutien (américain) si elles entrent vraiment dans les centres de population». Une mise en garde qui intervient alors que l’armée israélienne a lancé cette semaine une opération dans la ville de Rafah, où sont réfugiés plus d’un million de Palestiniens et qu’elle présente comme « limitée » .

► Dans quelle mesure Israël dépend-il des livraisons d’armement américaines ?

Ces livraisons jouent un rôle crucial depuis le début de la guerre, déclenchée le 7 octobre 2023 par l’attaque du Hamas contre Israël dans laquelle un millier d’Israéliens, pour la plupart des civils, ont perdu la vie. D’après des informations du Washington Post début mars, plus de 100 ventes de matériel militaire à Israël, dont de nombreuses munitions, obus et bombes, auraient été approuvées par Washington en six mois de conflit.

En outre, le Congrès a adopté en avril une aide de 15 milliards de dollars (14 milliards d’euros) à destination de Tel-Aviv. Près d’un tiers de cette somme est destiné à soutenir la défense antiaérienne du pays, le reste se répartissant en acquisition d’armement, de matériel et de services militaires, ainsi qu’en soutien à l’industrie militaire israélienne. « Si le soutien américain devait s’interrompre, cela hypothéquerait la poursuite de toute forme d’opérations militaires », estime David Rigoulet-Roze, spécialiste du Proche-Orient.

► Une interruption des livraisons américaines est-elle crédible ?

La fin du soutien américain à Israël semble peu vraisemblable. « Une telle hypothèse donnerait des gages au Hamas et le conforterait dans sa posture maximaliste, ce qui n’est pas acceptable pour l’administration Biden, qui veut assurer la sécurité d’Israël», note David Rigoulet-Roze. Mais le fait que Joe Biden ne puisse pas interrompre ce soutien est « paradoxalement » la raison pour laquelle les pressions américaines sont d’autant plus fortes à l’endroit du gouvernement de Benyamin Netanyahou, souligne l’expert.

D’après lui, l’attitude de Washington résulterait en grande partie de la crainte de se faire accuser de coresponsabilité dans les atteintes israéliennes au droit humanitaire international. « Les détracteurs des États-Unis disent que ces menaces sont de faux-semblants qui s’inscriraient juste dans une stratégie communicationnelle, mais ce n’est pas du tout le cas. C’est une ligne de crête, très difficile à gérer. » S’y ajoutent des considérations de politique intérieure. Début mai, 88 parlementaires démocrates ont adressé une lettre à la Maison-Blanche exigeant la fin des ventes d’armes à Israël si la conduite de la guerre devait se poursuivre de cette manière.