Les candidats aux élections européennes du 9 juin ne cessent de labourer le terrain. Et s’en réjouissent. Les sondages sont mauvais ? La cheffe de file Renaissance Valérie Hayer se dit pourtant confiante, affirmant à l’AFP : « Quand je fais du terrain, les retours sont plutôt bons. Il y a une dynamique, un truc qui se passe. »

Même sentiment pour Aurore Lalucq, porte-parole de la campagne de Raphaël Glucksmann (PS-Place publique), qui « note un enthousiasme réel sur le terrain ». Pour l’universitaire Sandrine Roginsky, « l’arrivée d’Internet et des réseaux sociaux n’a pas modifié ce rapport au terrain. Sur les dernières campagnes européennes, il est au centre des “posts” des candidats. » Le TikTok de Jordan Bardella ne cesse de mettre en avant ses rencontres.

Éviter le reproche de la déconnexion

Le contact humain est le mantra de tous les candidats… pour une efficacité électorale pourtant très faible. Les passages dans les médias sont bien plus importants. Mais, selon le politologue Rémi Lefebvre, « le terrain reste un rituel incontournable. Même si les candidats sont conscients que cela ne rapporte pas de voix, il leur est impossible de ne pas faire de déplacements. Sinon, on dirait d’eux qu’ils sont déconnectés. Faire du terrain permet d’éviter de donner prise à la critique et de montrer qu’ils font le maximum ».

Un collaborateur, qui a dirigé plusieurs campagnes nationales, voit toutefois plusieurs intérêts à ces rencontres. « On ne le fait pas pour convaincre les quelques dizaines de personnes rencontrées. Mais cela fait sortir de la bulle dans laquelle sont parfois enfermés les candidats. On rencontre des gens intéressants, sur lesquels on peut s’appuyer lors des interventions que l’on fait sur les plateaux télé. Cela donne une vision du réel et permet de mettre du concret dans certains discours. »

Mais, poursuit-il, ces visites sont très balisées : « Elles sont faites pour les journalistes. Le choix des thématiques vise soit à permettre au candidat d’imposer ses sujets phares, mais c’est toujours très difficile, soit à se positionner sur le sujet du moment. Il faut savoir sentir l’air du temps. » Les candidats ont ainsi multiplié les déplacements consacrés à l’agriculture pendant le mouvement de contestation dans les campagnes.

Par rapport à une élection présidentielle, les candidats aux européennes se heurtent à une difficulté : le scrutin est moins couvert par les médias que d’autres élections, notamment en termes de reportages. Le faible temps médiatique est consacré aux interviews en plateau, bien plus qu’aux déambulations des candidats.

S’appuyer sur les élus locaux

Dès lors, les déplacements sont très balisés : difficile pour un candidat d’être absent trop longtemps de Paris, où se trouvent les plateaux des émissions télé et des matinales radio. Il faut également éviter toute image désastreuse. S’il n’est pas possible de reconstituer des villages Potemkine, les candidats s’appuient sur leurs élus locaux pour aller dans des endroits qui leur sont a priori favorables. Il est dès lors logique que l’accueil sur le terrain soit souvent meilleur que les sondages.

Enfin, les équipes veillent à ne pas fatiguer les candidats avec des déplacements interminables. Une campagne électorale reste un marathon.

Ces visites permettent aussi de rencontrer les médias locaux et de mobiliser les militants. Et les candidats aiment ça. Ainsi, l’eurodéputé Emmanuel Maurel, qui fut élu avec les socialistes puis avec les Insoumis et qui figure aujourd’hui sur la liste du communiste Léon Deffontaines, revendique avoir parcouru « tous les départements métropolitains ».

Pour lui, ce n’est pas qu’une façon d’illustrer ses propositions politiques. « On en tire toujours quelque chose. La communication est aussi bien descendante qu’ascendante : cela permet d’être en prise directe avec ce que vivent les camarades et les préoccupations quotidiennes, qui sont souvent économiques et sociales. Cette campagne est centrée sur l’Ukraine et Gaza, alors que sur le terrain, on nous parle pouvoir d’achat et assurance-chômage ».

« À 90 %, une élection se joue à la télé, ajoute Emmanuel Maurel. Mais c’est notre job d’élus de ne pas délaisser les 10 % qui restent. C’est un devoir, tout autant qu’un plaisir. » Tout, dans une campagne, n’est pas dédié qu’à l’efficacité électorale.