La Clairière

de Melinda Moustakis

Traduit de l’anglais (États-Unis) par Josette Chicheportiche.

Albin Michel, 320 p., 23,50 €

En 1956, l’Alaska n’est encore qu’un territoire, une terre de tous les possibles. Comme à l’époque de la conquête de l’Ouest, pour y obtenir un titre de propriété, il suffit de choisir une parcelle, de la défricher pour la cultiver, d’y construire une cabane, puis de survivre aux dangers.

À peine débarqué de son Minnesota natal, Lawrence, 27 ans, vétéran traumatisé par la guerre de Corée, souhaite y commencer une nouvelle vie, même s’il ne connaît pas grand-chose de ces contrées sauvages. Sans perdre de temps, il choisit une parcelle, la première sur la longue liste, 60 hectares, « d’épicéas blancs, de bouleaux à papier, d’aulnes, de trembles, de peupliers baumiers et de saules ».

Trouver une femme

Mais avant de se retrousser les manches et de commencer à couper des arbres du soir au matin, il lui faut une femme avec laquelle il aura des enfants. La première qu’il estimera « capable de supporter l’hiver dans une cabane, il l’invitera ». Dans un bar, il croise Marie, ils échangent quelques mots, l’affaire est vite conclue. Elle décide de le suivre dans son aventure. Un pari risqué pour cette jeune femme originaire du Texas, qui n’a vu de la neige qu’une seule fois, mais que ne ferait-elle pas pour échapper à un passé oppressant.

Ce roman étonnant, divisé en 40 chapitres, chacun représentant un mois, nous transporte du mois d’août 1956 à septembre 1959, l’année où l’Alaska deviendra un État. Pendant trois ans, nous suivons ce couple improbable. Ils vont apprendre à se connaître, partageant un quotidien rythmé par les saisons et les rencontres avec des ours et des élans. Ils ne s’aiment pas, se comprennent à peine, ne partagent pas grand-chose mais ils doivent trouver des compromis pour atteindre leurs objectifs.

Une atmosphère de plus en plus pesante

Hanté par des cauchemars récurrents, Lawrence éprouve toutes les peines du monde à s’ouvrir à Marie qui lutte contre la solitude et, sans trop en dire, bientôt la perte de son premier enfant. Le style de l’autrice, hypnotique et feutré comme une intense giboulée de neige, restitue parfaitement l’atmosphère de plus en plus pesante, l’âpreté du pays, la rigueur du climat, les angoisses et les interrogations des protagonistes et de leurs proches.

Un premier roman immersif, puissant, sauvage, fluide, vivant, dépaysant qui questionne le rapport à l’autre, les relations de couple, et confirme l’immense potentiel de cette autrice découverte il y a quelques années avec Alaska, un recueil de nouvelles…