Les enjeux sont importants pour Boeing et la Nasa. Après des années de déboires et de reports, le vaisseau Starliner, du constructeur aéronautique et aérospatial américain, doit pour la première fois décoller lundi 6 mai à Cap Canaveral en Floride (à 4 h 34 mardi, heure de Paris) avec des astronautes à bord en direction de la Station spatiale internationale (ISS).

Starliner est très attendu par la Nasa pour commencer les missions régulières vers l’ISS. L’agence fédérale a commandé la capsule spatiale à Boeing il y a dix ans et attend avec impatience un second vaisseau opérationnel, en plus de celui de SpaceX, pour transporter ses astronautes.

Cela permettra de mieux répondre à « différents scénarios » d’urgence, notamment en cas de problème sur l’un des vaisseaux, a expliqué Dana Weigel, chargée du programme de l’ISS à l’AFP. Surtout, l’objectif pour la Nasa est de sortir de sa dépendance des vaisseaux russes Soyouz, jusque-là très utilisés pour rejoindre l’ISS.

Quatre ans de retard sur SpaceX

Pour Boeing et Starliner, au-delà de rejoindre le club très privé des vaisseaux spatiaux ayant transporté des humains, la mission est cruciale. Bien que sa division aviation commerciale et son programme spatial soient gérés séparément, le constructeur est souvent pointé du doigt quant à la sécurité de ses avions de ligne, à la suite d’accidents, comme en janvier dernier où une porte a été arrachée en plein vol. Mais ce sont surtout les deux crashs meurtriers en 2018 et en 2019 tuant 346 personnes qui ont détérioré l’image de Boeing. Une crise qui a forcé le directeur, David Calhoun, a annoncé son départ de la firme pour la fin de l’année.

Concernant Starliner, le constructeur a déjà quatre ans de retard sur son concurrent SpaceX. L’entreprise du fantasque Elon Musk a déjà relié l’ISS avec son vaisseau spatial Crew Dragon Endeavour, en mai et novembre 2020 avec deux puis quatre astronautes à son bord.

Boeing doit donc rassurer la Nasa sur sa capacité à répondre à la commande d’une valeur de près de 4 milliards d’euros (contre 2,4 milliards d’euros à SpaceX). En 2019, lors d’un premier test sans équipage, Starliner n’avait pas pu être placée sur la bonne trajectoire et était revenue sans atteindre l’ISS, à cause d’un problème de l’ordinateur de bord.

Les ingénieurs avaient découvert un problème sur le logiciel qui aurait pu entraîner l’écrasement de la capsule de l’équipage au moment de la séparation, ce qui aurait pu mettre en danger la vie des astronautes. Après avoir revu ses logiciels, Boeing retente sa chance en 2021, toujours sans équipage. À la base de lancement, alors que la fusée s’apprête à décoller, un problème de valves bloquées sur la capsule entraîne à nouveau un report de la mission.

Il faut attendre mai 2022 pour que le vaisseau vide réussisse enfin à atteindre l’ISS. Mais la capsule n’est pas encore parfaite, le système des parachutes notamment dysfonctionne.

Une première mission avec un équipage à bord

« Je ne crois pas qu’aucun de nous ait jamais osé rêver être associé au premier vol d’un tout nouveau vaisseau », s’est réjoui auprès de l’AFP Butch Wilmore, astronaute, qui forme avec Sunita Williams le tandem qui prendra place dans la capsule. « Nous ne serions pas là si nous ne pensions pas que le vaisseau est aussi sûr que possible » , a-t-il dit à la chaîne NBC News.

Les astronautes, tout comme Boeing et la Nasa, s’attendent à ce que de nouveaux imprévus ponctuent cette mission, qui a pour but de déceler les dernières modifications à apporter et de voir comment le vaisseau spatial se comporte dans l’espace avec un équipage à bord.

Une fois dans l’espace, les astronautes piloteront un temps le vaisseau manuellement, afin de valider le fonctionnement de ce mode. Si tout se passe bien, le vaisseau atteindra la Station spatiale internationale environ un jour après le décollage, aux alentours de 7 heures mercredi et devrait y rester un peu plus d’une semaine. De nouveaux tests seront réalisés sur place, puis les deux astronautes repartiront à son bord vers la Terre.