La transition se fera avec les entreprises ou ne se fera pas. Face à la crise sociale et aux déséquilibres environnementaux, les entreprises ont un rôle clé à jouer, qui répond d’ailleurs à une demande croissante portée par consommateurs, employés et même investisseurs, tous désormais attentifs à la durabilité des modèles économiques et à l’impact positif des entreprises sur la société. Cependant, nous ne pouvons que constater aujourd’hui le chemin qu’il reste encore à parcourir pour aligner l’ensemble de l’économie européenne sur nos objectifs de durabilité.

Une part croissante de l’économie offre pourtant de bonnes raisons d’espérer. Sur le continent, des dizaines de milliers d’entreprises, avec des formes et des modèles différents mais complémentaires, contribuent déjà positivement aux grands objectifs de transition de l’Union européenne. Ces entreprises pionnières sont de toutes tailles et opèrent dans tous les secteurs de l’économie, avec l’ambition de combiner performance économique et impact positif sur la société.

Elles mettent en œuvre des pratiques innovantes dans leurs activités, privilégient la circularité et les circuits courts, promeuvent la sobriété, les technologies durables, et mettent le partage et l’inclusivité au cœur de leurs modèles d’organisation. Par leur nature, elles contribuent à créer une économie plus juste et plus inclusive qui respecte les limites planétaires.

Un système à repenser

Cependant, ces entreprises sont confrontées à un système économique de la prime aux vices qui favorise les modèles d’affaires et les pratiques les plus néfastes – émissions de carbone, surconsommation des ressources, mépris des droits sociaux et humains, effondrement de la biodiversité, pollution des sols, etc. Un système qui favorise aujourd’hui la production à l’autre bout du monde et l’exploitation de la misère sociale, au détriment de la protection de l’environnement et des emplois de qualité en Europe. Un système qui favorise la surproduction et la surconsommation de produits de mauvaise qualité, au détriment du made in Europe, de l’économie circulaire et des circuits courts, et de nos objectifs de sobriété et de développement durable. Nos règles économiques sont obsolètes et éloignent notre économie de nos grands objectifs de durabilité.

Alors que le système aujourd’hui les fragilise, il devrait au contraire soutenir le développement de ces entreprises pionnières et encourager l’ensemble du tissu économique européen à évoluer vers des modèles d’affaires plus durables et inclusifs. Le contexte général actuel ne semble pourtant pas aller dans le sens d’un changement de paradigme. L’Union européenne (UE) subit un fort ralentissement économique et peine à atteindre ses objectifs en matière sociale, de climat, d’économie circulaire et de biodiversité, tandis que le Green Deal, qui a initié la transition de l’économie européenne, est aujourd’hui progressivement remis en cause pour des raisons purement politiques, en réponse à la pression de puissants lobbys industriels. Enfin, et pour ne rien arranger, la possible montée de l’extrême droite aux élections européennes représente une menace potentielle majeure pour les initiatives progressistes telles que le Green Deal, qui se heurte déjà à une résistance significative.

Ne pas renoncer

Le besoin de poursuivre la transition – et donc de ne pas renoncer au momentum du Green Deal – est pourtant crucial à plus d’un titre. Renoncer, c’est mettre en danger le développement et la prospérité de cette économie pour le bien commun et de ces entreprises à l’avant-garde des transitions. Renoncer, c’est également mettre en péril les objectifs de durabilité de l’Union, et prendre le risque que l’Europe ralentisse davantage sa transition vers une économie plus inclusive, juste et verte. Renoncer, enfin, c’est privilégier le business as usual et miser sur la résilience des modèles économiques de nos entreprises européennes, mis pourtant à mal lors des crises de ces dernières années. En cela, c’est renoncer à des modèles plus économes en ressources, plus autonomes et vecteurs de cohésion sociale, par nature plus protecteurs des entreprises face aux chocs.

La concurrence internationale exige un nouveau modèle de la performance économique juste qui soutient le modèle social européen. Pour éviter le déclin de l’économie européenne, nous devons donner la priorité aux entreprises qui contribuent au bien commun, en en faisant les clés de voûte d’une économie davantage tournée vers l’impact environnemental et social. Il est temps de voir émerger en Europe un système économique dans lequel l’impact positif n’est plus considéré comme une charge, mais comme un avantage pour les entreprises européennes. C’est le seul moyen de restaurer à la fois la souveraineté et la résilience de l’Union européenne, tout en assurant la contribution des entreprises aux principaux défis de notre temps.

(1) Signataires :

Caroline Neyron, Directrice générale du Mouvement Impact France

Emery Jacquillat, président de la Camif, cofondateur et ambassadeur Europe de la Communauté des entreprises à mission

Arthur ten Wolde, Directeur d’Ecopreneur.eu

Stefan Panhuijsen, Directeur de Social Enterprise NL

Benoît Quittre, Président de Kaya – Coalition belge des écopreneurs

Viktorija Braziunaite, Directrice de la Lithuanian Social Business Association

Toby Gazeley, Policy Lead de Euclid Network – the European Social Enterprise Network

Yvonne Zwick, Présidente du conseil d’administration de B.A.U.M e. V – Network for Sustainable Business

Iara Beekma Reis, Directrice des affaires publiques de New ERA (New European Reuse Alliance)

Daniela Pavlova, Directrice de SANNAS, Asociación de Empresas Triple Balance

Victoria Carreras, Présidente de SANNAS, Asociación de Empresas Triple Balance

Carlos Cordero, Directeur de Sustentia, membre du conseil d’administration de SANNAS, Asociación de Empresas Triple Balance

Yvonne Jamal, Co-fondatrice and Directrice de JARO Institute for sustainability and Digitalization

Frédéric Benhaim, Président d’Entreprendre Vert

Elsa Da Costa, Directrice générale d’Ashoka France

Mauro Del Barba, Président d’Assobenefit